Ronan Quemener, un perfectionniste devant la cage bordelaise

L’international Français que les Boxers de Bordeaux ont eu la chance de pouvoir faire signer après la blessure de longue durée du malheureux Clément Fouquerel est un perfectionniste, passionné de son sport et de son poste. À 30 ans et avec plus de 10 ans de carrière professionnelle derrière lui, Ronan Quemener continue de vouloir progresser, d’améliorer son jeu. Son parcours, son statut d’international, rien n’est pour lui un acquis définitif. « Les dernières années, j’ai beaucoup progressé. Avant, j’étais un peu fou-fou. Je faisais la guerre sur la glace mais parfois je me perdais un peu. Du coup j’ai travaillé là-dessus. Mentalement, j’ai travaillé aussi mais il reste toujours des points à améliorer, du travail à faire« , reconnait-il.

Ce métier de gardien, dans le hockey comme dans les autres sports, attire et forge des personnalités toujours un peu à part. Pour le n°33 des Boxers, il n’y a aucun doute « les gardiens sont un peu spéciaux« . Et pour appuyer cette affirmation, il n’hésite pas à ajouter que certains d’entre eux « ne nous aident pas parce qu’ils sont encore plus spéciaux que d’autres, et du coup on a une image de fous« . Pour Ronan Quemener les gardiens ont beaucoup de responsabilités sur les épaules et n’ont pas droit à la moindre erreur, ce que justifie ce statut particulier qui ne lui déplaît pas. « On met en place des stratégies, des habitudes pour se concentrer et parfois ça peut paraître bizarre, mais ça nous fait du bien et ça nous aide à être en confiance. Cela dépend aussi des personnalités. On peut être parfois plus solitaires que les joueurs. Cela dit il existe aussi des joueurs un peu bizarres mais ça se voit moins au milieu de 22 autres joueurs« .

Durant les entraînements le Bordelais essaie toujours de travailler sur certains points, de se donner des objectifs. « Les joueurs ont des tactiques à faire mais nous, si on n’a pas d’entraîneur de gardiens pour travailler des choses spécifiques, on est avec les joueurs. Du coup il faut se concentrer sur soi-même« . Avant les matchs, l’international le fait à sa façon. « Je fais de la visualisation dans le vestiaire. En fermant les yeux, je bouge un peu, je mime mes gestes, mes déplacements.  Du coup il y en a qui se moquent de moi, qui m’appellent Luc Alphand parce que les skieurs font la même chose avant de se lancer. Mais c’est de bonne guerre, ça ne me dérange pas. Si ça leur fait plaisir« , s’amuse-t-il.

Pourtant si ce sport et ce poste lui vont comme un gant, rien n’était écrit à l’avance. Ce natif de Paris, né de parents qui ont fait une belle carrière à la Poste et à France Télécom, ne vivait pas dans le hockey, ne rêvait pas de hockey. Certes son papa était un amoureux de la chose sportive mais sa passion, il la donnait au football qu’il a pratiqué au niveau amateur. « Cela dit, il a toujours suivi tous les sports. Il adore la compétition, quoi qu’il fasse. C’est un compétiteur. Il m’a transmis ce goût de la victoire. On est aussi mauvais joueur l’un que l’autre« , confie-t-il. C’est par sa sœur, son aînée de 4 ans, qu’il est arrivé indirectement au hockey sur glace. Elle pratiquait le patinage artistique… « Comme j’étais un peu turbulent, mes parents qui cherchaient une activité pour que je me calme un peu et ont pensé au hockey. J’avais 4 ans. Cependant, la première fois j’ai pleuré parce que je ne voulais pas aller sur la glace. Et après j’ai pleuré parce que je ne voulais plus en sortir« , raconte-t-il, amusé. Et il a commencé à patiner avec l’école de hockey de Meudon dans les Hauts-de-Seine jusqu’au départ de la famille un an plus tard à Rennes, dans sa région d’origine.

Et c’est dans le chef-lieu d’Ille-et-Vilaine où il a rejoint le club local de hockey dès son arrivée qu’il a épousé le poste de gardien. « Mon père a commencé à s’occuper de l’équipe parce que j’y étais. On a débuté la saison et on n’avait pas de gardien. Il m’a demandé si je pouvais dépanner. Une fois, deux fois et je suis toujours là en train de dépanner« , plaisante Ronan qui reconnaît que « le poste de gardien était parfait » pour rester sans cesse sur la glace. Encore tout jeune, Ronan Quemener pratiquait aussi le handball dans lequel son professeur d’EPS l’avait entraîné. « J’ai commencé à l’école puis j’ai continué en club. Mais je ne jouais pas gardien. Je suis allé jusqu’aux sélections régionales. Et vers 13-14 ans, j’ai dû faire un choix parce qu’entraînements et compétitions se chevauchaient. Comme ça faisait plus longtemps que j’y jouais, que j’y avais mes copains, j’ai choisi le hockey. Mais j’aimais le handball surtout pour courir, pour sauter, pour l’explosivité« .

La « culture » hockey de Ronan se limitait à l’époque à la D3 ou la D2 dont il pouvait voir des matchs à Rennes, mais il n’avait jamais vu le moindre match de Ligue Magnus, encore moins de NHL. « Quand j’étais gamin j’avais des posters dans ma chambre parce qu’une boutique d’équipements de hockey que je connaissais en vendait.  Mais je ne voyais jamais de hockey à la télé. La première fois que j’ai vu un match de Ligue Magnus je devais avoir 15 ou 16 ans, quand je suis allé à Rouen« , se souvient le gardien Bordelais. Car s’il avait eu la chance de trouver un bon club à Rennes, pour parfaire son évolution, il lui fallait intégrer une section sports-études. La plus proche se trouvait à Nantes. « Quand il a fallu faire le choix de partir à 14-15 ans, de quitter la maison, ça n’a pas été facile. Mais Nantes a fermé l’année suivante et il a fallu que je parte à Rouen. Une décision difficile à prendre parce que je ne pouvais plus rentrer chez moi tous les week-ends comme je le faisais à Nantes. Il est difficile à ces âges-là de quitter la maison, surtout quand on est proche de ses parents comme moi« , reconnaît-il.

Il finira donc son hockey mineur chez les Dragons de Rouen. Après une première saison avec les U22 Élite et quelques matchs de Division 2 avec le Havre, il était appelé à découvrir l’élite du hockey français à 17 ans pour une saison où il terminera avec son équipe champion de France et gagnera la Coupe de la Ligue. Puis la saison suivante c’est avec les Dragons juniors qu’il remporte un titre de Champion de France U22 Elite ! Parallèlement, le petit Ronan n’a pas chômé sur les bancs de l’école. « Ma famille m’a toujours poussé à faire des études mais il y a eu aussi un peu plus tard une prise de conscience personnelle parce que je n’étais pas forcément le meilleur au hockey lorsque je suis arrivé en sports-études. Et quand j’ai commencé à accéder à un meilleur niveau, j’étais lancé, j’ai choisi de continuer. C’est toujours intéressant d’apprendre« , avoue-t-il. Il a donc obtenu un Bac scientifique en sports-études à Rouen puis fait une licence STAPS (licence de sciences et techniques des activités physiques et sportives). À Gap il a fait une année de master administration et gestion du territoire spécialisé dans les métiers de la montagne, puis a recommencé un Master en administration et gestion des entreprises avec le CNED (Centre National d’Enseignement à Distance).

Après ses 5 saisons en Normandie, il acceptait en effet la proposition des Rapaces de Gap. « Ce fut une grosse décision de partir à Gap parce que là je quittais mes amis, je laissais ma copine à Rouen« , rapporte Ronan. Et à 21 ans il se retrouvait  gardien n°1 lors de la saison 2009-2010 sous les ordres d’André Svitac, son ex entraîneur à Rouen, et ancien joueur à Bordeaux (1989-1992 et 1993-1997). Et en 2 ans sous les couleurs du club des Hautes-Alpes, Ronan Quemener va recevoir le Trophée Jean-Pierre Graff récompensant le meilleur espoir du championnat, puis le Trophée Jean Ferrand attribué au meilleur gardien de l’élite. Des honneurs qui lui valaient d’attirer l’attention et de parcourir la centaine de kilomètres séparant Gap de Grenoble où les Brûleurs de Loups lui ouvraient les bras. Et pourtant, même si cette saison Iséroise lui vaudra d’être appelé pour la première chez les Bleus, il rencontra quelques difficultés au point de perdre peu à peu sa place au profit de Sébastien Raibon ! « Ce fut une très mauvaise année. Mais cela m’a été utile pour la suite« , reconnaît le portier Bordelais qui décida alors de revenir dans les Hautes-Alpes, mais cette fois chez les Diables Rouges de Briançon pour la saison 2012-2013. « À Briançon, j’ai eu la chance d’être bien pris en main par Luciano Basile qui m’a remis sur pied et m’a permis de devenir un gardien de haut niveau« , reconnait-il. Il y remporta la Coupe de France et en décidant de rempiler pour une saison supplémentaire il toucha le jackpot avec un titre de champion de France et une place de meilleur gardien du championnat (tant en termes de pourcentage d’arrêts qu’en moyenne de buts concédés par match). Pour couronner le tout il fut élu MVP des playoffs.

Ayant un peu fait le tour du sujet, en 2014 il décidait d’aller tenter sa chance à l’étranger, de connaître d’autres championnats pour parfaire son jeu. « C’était plus une volonté de ma part. Mais jouer à l’étranger, c’est très difficile. On quitte son pays et ça fait bizarre« , admet-il. Il atterrit au Jukurit de Mikkeli qui évoluait en Mestis, deuxième échelon du hockey Finlandais. Comme une habitude, il devint champion de Mestis et meilleur gardien de la compétition. Puis la saison suivante il franchit la frontière et endossa le maillot du club Suédois d’Asplöven (Allsvenskan, deuxième niveau suédois) qui termina en tête de la saison régulière mais sera éliminé dans les playoffs. Ronan Quemener qui a décidé de faire le tour de Scandinavie se retrouvait la saison suivante au Danemark chez les Pirates d’Alborg pour une belle année mais sans titre. Puis, cette saison, il cédait aux sirènes du club de Dornbirn en Autriche, lequel évolue en EBEL, championnat élite regroupant des équipes Autrichiennes, Hongroises, Italiennes et Croates. L’équipe ne parvint pas à donner satisfaction à ses dirigeants. Et en Novembre dernier, malgré de bonnes statistiques personnelles, il était remercié ! « C’était un peu compliqué pour moi d’être congédié pour la première fois« , reconnaît-il. L’international se retrouva donc sur le marché en pleine saison. Une situation qui n’est jamais confortable mais les Boxers de Bordeaux qui venaient de perdre Clément Fouquerel sautaient sur l’aubaine et l’affaire se règlait à la vitesse de l’éclair. « Le malheur de Clément (Fouquerel) a fait qu’il y avait une place à prendre à Bordeaux où j’ai été très bien accueilli. Je suis très satisfait que Bordeaux soit ce point de chute que je cherchais« , avoue-t-il aujourd’hui.

Si le hockey a une grande place dans sa vie, Ronan Quemener a fait en sorte d’avoir d’autres centres d’intérêts. « C’est une passion, ça prend beaucoup de temps. Après ça devient un métier. Et comme j’aime bien faire les choses à fond, je m’intéresse beaucoup à ce qui se fait, ce qui se passe dans le hockey. Après on se rend compte qu’on se perd parfois un peu. Du coup il faut aussi avoir des activités extérieures, sinon on devient fou, surtout quand ça ne marche pas« , dit-il. S’il avoue que le sport a toujours été son loisir préféré, il a aussi toujours aimé passer du temps avec ses copains, et porté un certain intérêt au cinéma. « Je n’aime pas trop les films de supers héros, de science-fiction, mais j’apprécie tous les styles. J’adore les films inspirés d’histoires vraies. Le dernier film que j’ai vu et qui m’a profondément ému, c’est « la Promesse de l’aube » adapté du livre de Romain Gary que j’avais lu précédemment, car je me suis mis aussi à la lecture grâce à ma copine. Elle m’a forcé un peu la main mais j’y ai pris goût. Dernièrement je me suis mis à lire des classiques. Au final, ça m’a beaucoup apporté« , reconnaît-il.

Parti cette semaine avec l’équipe de France au Danemark avec ses coéquipiers Nicolas Besch, Jonathan Janil et Peter Valier, Ronan Quemener garde une grande ambition avec les bleus. « Comme tout le monde le sait, Cristobal (Huet) a pris sa retraite internationale. Du coup les portes sont ouvertes pour les gardiens. Depuis des années on se concurrence avec Florian Hardy. L’année dernière c’est lui qui a fait de grosses performances au championnat du monde. Il y a plusieurs candidats qui prétendent au poste de premier gardien. Après on sait qu’au championnat du monde il y a 7 matchs, ça peut aller très vite. Il faudra juste honorer sa chance quand on l’aura. Si on nous la donne« , assure le n°33 bordelais. Après les 3 matchs du week-end à Herning où se déroulera le championnat du monde 2018 au mois de mai en tandem avec Copenhague – suivez le regard du portier bordelais – Ronan Quemener pourra se consacrer à la fin de saison des Boxers et apporter son expérience lors des playoffs qui s’annoncent.

C.C.