Olivier Labelle : le diable est de retour en Ligue Magnus
Il est de retour en Saxoprint Ligue Magnus et il a confirmé depuis le début de saison avec les Boxers de Bordeaux tout le bien ou le mal qu’on peut en penser, si on est amateur de hockey ou un de ses adversaires qui ont tant de difficultés à le maîtriser. Diable d’homme que ce natif, il y a 32 ans, de Saint-Eustache dans la banlieue de Montréal, au caractère bien trempé qui en fait un exemple de détermination et de volonté de gagner.
C’est tout jeune qu’il s’est forgé une telle personnalité et qu’il a choisi le hockey sur glace comme on entre dans les ordres. Tout jeune et chez lui, sur la patinoire familiale. « Mon père qui est un passionné de sport m’a construit une patinoire extérieure où j’ai beaucoup joué tous les hivers dès l’âge de 2-3 ans. On parle d’une vraie patinoire, environ les deux tiers d’une patinoire normale, avec des bancs, des grillages, des vrais filets. On avait même de grosses lumières sur un poteau et sur le toit de la maison pour qu’on puisse jouer le soir », se souvient-il. C’est là qu’il a construit sa passion. « Mes plus beaux souvenirs de jeunesse c’est d’arroser la patinoire avec mon père et mon grand-père tard le soir. C’était la patinoire la mieux entretenue de la ville parce qu’on en prenait bien soin. Les jeunes du quartier venaient toujours y jouer sans demander. La plupart des gens ne savaient même pas que c’était un lieu privé. Tout le monde était le bienvenu. Il fallait que je me lève tôt le matin parce que j’entendais les bruits des lancers sur les bandes depuis ma chambre et que je savais que je l’avais arrosé la veille. Donc je me dépêchais à mettre les patins pour en profiter pendant qu’elle était encore belle », raconte le joueur à la barbe rousse. Même s’il a joué au football (soccer) tous les étés jusqu’à l’âge de 14 ans, même s’il lui arrive toujours de jouer au golf, principalement en participant deux ou trois fois par an à des tournois loisirs en famille, il a rapidement tout misé sur le hockey.
Son frère, de trois ans son cadet, a lui aussi chaussé les patins mais sans jamais dépasser le niveau loisir. Professionnellement il a préféré rejoindre l’entreprise de son père. « Il a une cabane à sucre », indique Olivier Labelle, l’œil pétillant, en se disant que l’interlocuteur français ne doit pas savoir exactement de quoi il s’agit. En fait, on y fabrique et vend le fameux sirop d’érable ! L’esprit d’entreprise du père d’Olivier Labelle est tel qu’il a également « une entreprise de machinerie pour le déneigement, et une compagnie de fauchage d’été. » La maman s’implique sur le plan administratif dans l’activité familiale.
C’est à 14 ans que le numéro 93 des Boxers de Bordeaux a décidé de miser sur le hockey. Il a alors entrepris de s’entraîner sérieusement, notamment avec Gaëtan Boucher, double champion olympique de patinage de vitesse dans les années 80, tout en poursuivant ses études jusqu’au Cegep (deux années pré-universitaires). A 15 ans, il a rejoint les Régents de Laval en Midget AAA où il allait briller dès sa deuxième saison en tant que capitaine, terminant meilleur buteur (27 buts) et meilleur pointeur (61 pts) de son équipe ce qui lui permettait de rejoindre la sélection québécoise pour participer au World Hockey Challenge. C’est ensuite sous le maillot des Olympiques de Gatineau qu’il s’est distingué en devenant deux fois champion en LHJMQ. Après sa troisième saison avec les Olympiques, il a été échangé au Titan d’Acadie-Bathurst (115 points dont 55 buts en saison régulière !). Malgré 5 camps avec des franchises de NHL et pas des moindres (Canadiens de Montréal, Blue Jackets de Columbus, Blackhawks de Chicago, Rangers et Islanders de New-York), il n’aura jamais eu la chance de jouer un seul match dans « la grande ligue » !
Il a ensuite franchi la frontière pour débuter sa carrière professionnelle dans la Ligue américaine de hockey (AHL) avec le Crunch de Syracuse (réserve du Lightning Tampa Bay). Il va naviguer entre AHL et ECHL (Ligue de Hockey de la Côte Est) avant de rejoindre les Royals de Reading (ECHL) pour trois saisons et c’est là qu’il rencontrera sa future épouse. Il a pris ensuite la direction de l’Europe pour deux saisons chez les 99ers de Graz en Autriche (EBEL) puis revient à Reading avant d’accepter la proposition des Dragons de Rouen en 2015 où il remplit sa vitrine à trophées d’une Coupe Continentale, une Coupe de France et un titre de champion de France. Pas moins ! Mais au bout de cette saison de tous les succès, il est reparti aux Etats-Unis où sa future épouse mène une brillante carrière professionnelle dans une firme pharmaceutique. Un départ de Normandie qu’il explique aujourd’hui. « En fait, je n’ai pas eu d’offre immédiatement après la fin de la saison, et j’ai prévenu que je n’allais pas attendre plus d’un mois. J’avais des choix à faire. Et je leur ai dit que je repartais aux Etats-Unis. On a dit que c’était moi qui était parti de mon propre gré, ce qui n’était qu’à moitié vrai« , dit-il.
Revenu à Reading puis chez les Crunch de Syracuse la saison dernière, son retour en Ligue Magnus s’est donc fait aux Boxers de Bordeaux plutôt qu’à Rouen. « Cet été mon agent a recontacté Rouen mais je n’ai pas perdu de temps, Bordeaux était déjà très intéressé et moi aussi. Donc ça s’est fait rapidement. Je voulais une équipe qui aspire à gagner le championnat et une organisation solide. Et Bordeaux était en haut de la liste. J’adore Bordeaux, une ville magnifique. Et l’organisation est solide. J’ai joué à Rouen, club de référence en France, et ici à Bordeaux c’est exactement la même classe. Je suis venu ici pour gagner le championnat de France, la Coupe de France et je sais qu’on a les éléments pour« , assène le Québécois. S’il est déjà bien intégré à Bordeaux, Olivier Labelle ne tire aucun plan sur la comète. « Ma femme qui est restée aux Etats-Unis me supporte à 100% dans ma carrière de hockey. Elle m’a laissé revenir jouer une année en Europe. Mais c’est une année à la fois », dit-il.
Quand il est en Amérique du Nord il se fait rare au Québec où il vient pour s’occuper de l’école de hockey qu’il a monté avec deux amis d’enfance à Saint-Eustache. « C’est un projet qu’on a monté depuis 5 ans. Ça prend de plus en plus d’envergure et ça peut être quelque chose d’intéressant pour l’après-carrière. En ce moment c’est plus estival parce que les trois fondateurs sont très occupés durant la saison. Je suis le seul en Europe, un autre est coach à temps plein en Midget AAA, et l’autre est enseignant dans le grand nord du Québec », précise le joueur bordelais (http://www.ecoledehockeyol.com/).
Olivier Labelle rêve aussi d’avoir un enfant « mais en ce moment c’est un peu compliqué avec la carrière de ma femme et la mienne. » Peut-être un jour, un petit Labelle mettra-t-il ses premiers patins sur une patinoire extérieure construite par son père. Pour que l’histoire continue…