Olivier Dimet : « Les joueurs n’ont rien lâché ! »
Après la victoire à Amiens et avant le déplacement à Cergy Samedi, le coach Bordelais fait le point sur cette saison très particulière marquée par la crise sanitaire, les conséquences pour les joueurs, le nouvel état d’esprit du groupe et la nouvelle organisation du championnat.
Que penses-tu de la nouvelle formule du championnat qui a été décidée en début de semaine par les clubs pour faire face à la désorganisation liée à la crise du Covid-19 ?
« Un match par semaine et une saison régulière en 22 matchs au lieu de 44, ça me paraît bien parce qu’au moins ça nous donne de la visibilité même si la façon dont se dérouleront les playoffs sera décidée plus tard, en fonction de l’évolution de la situation. On sait aujourd’hui qu’on peut travailler notre préparation, notre qualification sur 1 match par semaine. Contrairement à la situation précédente où il a fallu s’adapter aux circonstances, c’est-à-dire soit les cas de Covid dans l’équipe, soit la patinoire fermée, soit le confinement et le championnat qui s’arrête. On était dans une organisation et une adaptation au quotidien. Avant on subissait la situation, on vivait avec l’incertitude de savoir si on allait jouer ou pas. Là il y a un peu plus de visibilité. On des compétiteurs, on veut jouer. Ça fait moins de matchs à disputer mais on est face à un cas exceptionnel. Il faut accepter cette décision et faire avec »
Revenons sur la situation purement sportive de l’équipe avec une belle victoire à Amiens qui a fait sans doute du bien dans les têtes après la défaite décevante face à Mulhouse…
« C’est vrai que cette victoire a fait du bien, surtout à la tête parce que ça faisait deux mois et demi qu’on n’avait pas gagné un match ! Habituellement quand on aligne 3 défaites consécutives, ce qui était notre cas, ça se déroule sur quelques jours alors que là, deux mois et demi c’est très difficile ! Quoi qu’il en soit je suis vraiment content pour les joueurs qui n’ont rien lâché pendant cette période, même si la situation était compliqué et les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Ils ont continué à s’accrocher, à travailler et ils sont récompensés avec cette victoire »
Un tel résultat permet-il de tourner une page et de partir sur une nouvelle dynamique ?
« Après les 2 défaites d’Anglet et Nice au mois de Novembre il y a eu une remise en question générale, que ce soit dans le staff mais aussi à l’intérieur même de l’équipe et du groupe, pour tenter de changer l’état d’esprit, dans la volonté d’aller chercher la gagne à chaque match, quel que soit l’adversaire. Et faire en sorte que dans certains matchs à notre portée ou des matchs-clé on ne passe pas à travers comme c’était souvent le cas depuis 5 ans, selon le constat qui a été fait par la direction du club. Ça c’est sur le plan mental. Mais si on revient à la partie plus tactique et technique, le constat depuis le début de saison est qu’on prenait beaucoup trop de buts et on ne peut pas gagner des matchs si on prend 5 ou 6 buts à chaque fois. C’est vrai que la volonté du club était d’amener du spectacle, d’amener de l’offensive et c’est pour cela que certains joueurs sont arrivés et ça c’est une bonne chose puisqu’aujourd’hui on est le premier powerplay du championnat avec 31% d’efficacité et la 5ème attaque au nombre de buts marqués par match. Mais défensivement, on est en dessous des attentes. L’idée était donc de resserrer la défense. Mais, hélas, le premier match face à Mulhouse qui devait marquer le renouveau par rapport à cette remise en question, y compris sur quelques points sur le plan tactique, et on a été déçus parce que je pense que l’envie était là et qu’on a commencé le match de la pire des façons. On prend un but rapidement au bout d’1 minute 30 sur une erreur. Derrière il y a 2 pénalités qui nous plombent et on se retrouve menés 3-0 au bout de 12 minutes de jeu. Quand on est en manque de confiance et en manque de repères, ça complique les choses. Malgré tout on a essayé de revenir dans le match, la preuve en est qu’on a 60 shoots à 20 sur l’ensemble du match, on a 15 grosses occasions, un but refusé à 2-0. Je dirai qu’on est de nouveau dans le négatif malgré le changement apporté, malgré la volonté de partir sur une nouvelle dynamique. On n’a pas commencé le nouveau cycle qu’on voulait de la meilleure des façons. C’est pour cela que cette victoire à Amiens, à l’extérieur, chez une belle équipe du championnat, elle fait du bien »
Vous aviez construit un effectif avec lequel tu pouvais te permettre d’avoir des ambitions. Et finalement c’est tombé sur cette saison que personne ne pouvait imaginer…
« C’est une saison qui n’a aucun antécédent. Depuis le début, on découvre à chaque fois et il faut s’adapter. On a attaqué notre préparation et en plein milieu on est arrêté 15 jours à cause du Covid dont certains joueurs ont été atteints. On reprend l’entraînement 10 jours avant le début du championnat, ça se passe bien puisqu’on fait un premier match à Angers et on va aux penaltys, ce qui est une bonne performance après un match sérieux, et on enchaîne à Anglet où on gagne aux penaltys avec un match qu’on dominait mais où on a pris l’eau durant 1 minute 30 ce qui leur a permis de marquer 3 buts et de revenir dans le match, et là on nous apprend que la préfecture de la Gironde a décidé de fermer notre patinoire. On était la seule ville en France avec ces conditions-là et ça a duré 15 jours ! Mais il fallait continuer le championnat ! Et là on a eu une série de défaites sans pouvoir s’entraîner durant toute cette période. Ce n’est pas une excuse mais derrière on a pu s’entraîner à nouveau et enchaîner les matchs on a eu une série de 4 victoires avant le confinement qui nous a arrêté 15 jours. On a pu faire 2 matchs pour la télé, 2 défaites, et après 6 semaines d’arrêt avant ce match contre Mulhouse. Pour l’entraîneur que je suis et pour un sportif, ce qui est important c’est le rythme, l’enchaînement des situations. Et là, malheureusement, notre rythme a été saccadé. Je ne me défausse pas de mes responsabilités, parce qu’on est un peu tous dans la même situation, le Covid n’est pas qu’à Bordeaux, mais pour nous ça n’a pas toujours tourné de la même façon que pour d’autres équipes. Alors les qualités du groupe sont là, mais les conditions n’ont pas été réunies comme on le souhaitait. Ce n’est la faute de personne, à nous de nous adapter aussi, mais il y a eu des moments où on n’a pas pu maîtriser tous les éléments »
La situation difficile que traversent les clubs sur le plan économique, n’affecte-t-elle pas le mental des joueurs dont l’avenir est pour l’instant incertain parce qu’on ne peut rien prévoir de l’évolution de la crise sanitaire et des décisions des autorités ?
« Naturellement. Les joueurs sont des êtres humains et sont lucides face à la situation. Ils savent bien que l’économie du hockey est fragile. Elle était déjà fragile avant la crise mais aujourd’hui c’est compliqué. On ne sait quel va être l’avenir du hockey français en général et pour ce qui nous concerne du club des Boxers et de notre situation personnelle. Bien sûr que cela a un impact. On n’est pas dans les meilleures dispositions parce qu’il y a du doute, du questionnement. Les joueurs sont des professionnels. Naturellement ils pensent à leur carrière et ils se posent des questions. Mais je tire mon chapeau à ce groupe-là qui depuis le début n’a jamais baissé les bras«
Est-ce que le club apporte certaines réponses aux joueurs pour limiter le doute et l’inquiétude ?
« On a toujours été transparent avec les joueurs depuis le début. Sur la situation, sur ce qui allait se passer, sur ce qui n’allait pas se passer, parce que je pense que l’honnêteté est primordiale. Si on veut que le groupe ait confiance en son staff, il faut dire les choses. Et je crois qu’on n’a jamais manqué de transparence, que ce soit le président, le manager ou moi-même. Maintenant, savoir ce qu’il va se passer à la rentrée, je pense que même le président ne le sait pas exactement car déjà personne ne sait où va nous amener la fin de cette saison. On nous a promis des aides, on était en attente de jouer les matchs avec du public comme tout club de sport. Là il faut être lucides et se dire que le public ne va pas revenir dans les patinoires et dans les stades avant quelques temps. Ça a un impact sur le budget du club. Ce que l’on sait c’est que samedi on joue à Cergy avant de recevoir Rouen Samedi prochain, et comme on est des professionnels on va se préparer pour ça. Donc vivre le moment présent, jouer match par match, et essayer de ne pas se poser trop de questions. Mais c’est vrai qu’avec la décision prise en début de semaine pour remodeler le calendrier et après la victoire à Amiens, notre position est plus confortable que la semaine dernière »
Samedi vous vous déplacez donc à Cergy, une belle équipe qui n’a pu disputer que 7 matchs jusqu’à présent. Comment allez-vous aborder ce match ?
« Il faut qu’on s’appuie sur notre victoire à Amiens pour essayer d’enchaîner une dynamique positive mais Cergy, c’est un nouveau match, il faut repartir à 0. Il va falloir attaquer le match avec plus de confiance, certes, mais avec beaucoup d’humilité, en se disant que si on veut gagner ce match, il va falloir travailler plus fort que Cergy, avoir plus envie que Cergy, être plus déterminés que Cergy pour pouvoir espérer l’emporter. Et c’est l’état d’esprit qu’on veut. Qu’à chaque match il y ait cette culture de la gagne et qu’on fasse les bonnes choses pour l’emporter. Mais ces bonnes choses elles se font au quotidien. Ce sont des habitudes à prendre. C’est là-dessus qu’on travaille depuis 2 mois »
L’absence du public dans les patinoires pèse-t-elle mais arrive-t-on à s’y faire ?
« Non, on ne s’y fait pas parce que le sport c’est du partage, de la communion avec son public. C’est triste de voir des patinoires vides, des stades vides. Ce n’est pas l’image qu’on se fait du sport. Bien sûr, on est professionnels et on essaye de faire notre travail du mieux possible. On essaye de faire abstraction de cette absence mais il n’y a pas de mot pour expliquer ça ! Qu’on soit à la maison avec notre public qui nous pousse dans les bons comme dans les mauvais moments ou qu’on soit à l’extérieur avec une foule qui nous harangue, c’est ce à quoi on est habitués. C’est perturbant et c’est triste »
Recueilli par Claude Canellas