Olivier Dimet : « Ce n’était pas une saison au rabais ! »
Cette saison très particulière s’est terminée sans playoffs. Qu’elle impression générale te laissera-t-elle ?
« C’est une impression bizarre parce que c’est une saison particulière, inédite aussi. Ce n’est pas facile de tirer un bilan d’une saison comme celle-là, avec des hauts et des bas, où il a fallu s’adapter du début jusqu’à la fin. On commence toujours une saison avec des objectifs, avec une vision assez claire du chemin qu’on veut faire pour les atteindre, mais là il a fallu changer nos plans presque chaque jour. Cela dit, la situation était la même pour tout le monde et à partir de là, on s’est adapté et on a essayé en tout cas de donner le maximum qu’on pouvait donner pour être le plus performant possible ».
Était-ce une saison au rabais ?
« Non, je ne pense pas qu’il faut rabaisser le travail au quotidien des joueurs, de chaque club. C’est effectivement une saison tronquée mais on a eu la chance de pouvoir faire notre métier, notre passion, contrairement à d’autres corps de métiers qui ont dû s’arrêter. Alors au bout de 22 matchs, la régularité a fait que Rouen est champion, et ça fait un beau champion, pas un champion au rabais, loin de là. Ils ont mérité leur titre, c’est la vérité de la glace. »
Cette saison a été perturbée avant même le premier match de la saison régulière, dès la préparation. Et même la crise sanitaire a affecté toutes les équipes, il faut bien reconnaître que les Boxers ont été particulièrement « gâtés »…
« C’est vrai que notre entame de saison a été très perturbée par le Covid-19. On avait planifié une reprise de camp d’entraînement assez tôt, pour être prêts dès les premiers matchs, et on a été touchés en plein vol par le virus au milieu de cette préparation. On s’est retrouvé avec 14 jours d’arrêt. Autant dire que ce n’est pas ce qu’on avait espéré. Malgré ça, on a su rebondir sur nos 2 premiers matchs avec un match abouti à Angers qui finit vice-champion de France, où on perd aux penaltys, une victoire dans le derby à Anglet aux penaltys également mais après avoir dominé 80% du match, et derrière de nouveau une coupure avec la fermeture totale de la patinoire sur décision de la préfète. Et là on se retrouve un peu démunis. On est passé par pas mal d’émotions dans une situation qu’on n’avait jamais connue, avec des matchs à jouer sans entraînement, ce qui est inconcevable, mais on l’a fait parce qu’on n’avait pas le choix…. »
C’était d’autant plus frustrant que les Boxers étaient les seuls à se trouver dans cette situation…
« Exactement. On ne veut pas trouver d’excuses, le Covid-19 touche tout le monde, mais c’est vrai qu’on était la seule équipe à être arrêtée par une décision préfectorale alors que les autres équipes pouvaient continuer à s’entraîner et à jouer dans leur patinoire. Cette période-là correspond à une de nos mauvaises séries et cette entame de saison a été totalement à l’opposé de ce qu’on avait planifié. Il a donc fallu d’adapter, faire en sorte que l’équipe reste focalisée sur un objectif. On a dû réévaluer chaque objectif, chaque jour. On a commencé la saison avec une jauge ramenée à 1 000 personnes, ensuite plus de spectateur, puis un championnat à 22 matchs et au final la suppression des playoffs. Paradoxalement, le groupe est resté uni et professionnel. Et je tiens à le souligner. Certes notre première partie de saison n’a pas été à la hauteur de nos espérances mais les joueurs ont tenu. »
Et pourtant cette première partie de saison a été particulièrement pénible à vivre…
« Oui. Quand on nous apprend la décision de la préfète de fermer la patinoire, alors qu’on venait de disputer nos 2 premiers match et on s’était remis en selle après la coupure du camp d’entraînement. On se sentait bien, on devait recevoir Gap le Mardi et cette nouvelle nous tombe dessus le Lundi après-midi ! Ce fut un choc, un choc quand on a donné l’information aux joueurs qui ne comprenaient pas pourquoi nous et pas les autres ! Mais on ne pouvait pas rester là-dessus, il fallait se projeter. Le staff devait malgré tout garder un discours positif et anticiper sur l’avenir. Il fallait rester en alerte, rester prêts, continuer à garder les joueurs sous pression positive pour le moment où on allait reprendre dans des conditions normales. Et à cette époque on est toujours dans un championnat à 44 matchs avec des playoffs, et avec la volonté d’aller le plus loin possible. Là, c’était une réelle cassure, un moment très compliqué. Le Covid pendant le camp d’entraînement, on savait que ça pouvait arriver, on s’y était préparés. La fermeture de la patinoire on ne pouvait pas l’imaginer, en tout pas seulement la nôtre. C’est une période difficile au cours de laquelle on va enchaîner 4 défaites consécutives. Puis derrière la réouverture de la patinoire après 2 semaines de fermeture et un peu de visibilité. On avait un planning assez chargé puisqu’on allait à Chamonix, on recevait Grenoble et on jouait Angers le Dimanche, donc 3 matchs en 1 semaine et on avait fait le pari que les matchs contre Chamonix et Grenoble étaient des matchs de préparation pour préparer Angers et la suite, avec la Coupe de France qui arrivait derrière, en sachant que cette compétition était un de nos objectifs cette année. On s’est présentés à Chamonix avec la volonté de prendre des points. On fait une très bonne entame de match mais malheureusement on a un coup de mou lors du deuxième tiers qui permet aux Hauts-Savoyards de repasser devant. Et puis face à Grenoble on se fait marcher dessus. On aurait dit une équipe de juniors face à des professionnels ! Mais quelque part on savait où on voulait aller. Et la réponse a été donnée le Dimanche où face à Angers on a fait un vrai gros match d’équipe et on a vu un des beaux visages des Boxers de cette année et ça nous a permis de repartir sur une bonne dynamique ».
Malgré tout, as-tu tiré des enseignements précieux pour l’avenir ?
« Oui, il faut se servir de cette situation inédite pour grandir, quoi qu’il en soit. J’espère qu’on ne revivra pas ce genre d’expérience, mais il faut qu’on en tire des enseignements dans notre gestion au quotidien, dans la façon d’aborder les événements, que ce soit sur le plan mental ou sur le plan physique. Je pense qu’il y a eu du positif et du négatif. Il est difficile de tirer un bilan de cette saison qui s’est déroulée pour nous en deux parties. La première n’a pas été satisfaisante puisque sur 11 matchs on a eu 7 défaites et 4 victoires, donc un bilan négatif, au contraire la deuxième partie est beaucoup plus positive puisque sur 12 matchs on a 8 victoires et 4 défaites dont 2 à Grenoble et Rouen, ce qui n’est pas scandaleux. Ce qui est positif, c’est qu’on avait la volonté d’avoir une équipe un peu plus offensive, qui fasse un peu plus de jeu que précédemment. Mais faire du jeu quand il n’y a pas de spectateurs, c’est compliqué. Le hockey est un sport d’émotion, de partage, et par moment il nous a manqué ce petit truc en plus qui fait que les joueurs se transcendent encore plus, même s’ils sont restés toujours très professionnels. Et ce que je dis-là, c’était valable aussi pour nos adversaires. Cela dit, on a eu le meilleur power play de la Ligue, et ça s’est une grosse satisfaction parce que c’était un objectif par rapport à la construction de l’équipe. L’autre point positif, c’est que de jeunes joueurs ont pu émerger, je pense à Jules Lefebvre qui a fait une belle saison derrière. On a aussi Jules Gallet, Bastien Lemaître, Vince Tartari, Alexandre Bauvais, des jeunes en devenir qui ont eu du temps de glace supérieur à l’habitude. Côté déception, on sait très bien que notre défensive depuis 2 saisons n’est pas à la hauteur de nos espérances. Et si on veut avoir de l’ambition, il faut qu’on soit plus solides défensivement. Et ça ne concerne pas que le gardien et les arrières, c’est l’ensemble de l’équipe. Il faut regarder pourquoi on a été fragiles défensivement, où on a perdu les palets. Et on n’a pas été en difficultés quand on était dans notre zone, on l’a été quand on a perdu le palet devant, on a créé des turn-over, donné des contres à nos adversaires, et c’est là où on s’est souvent mis en difficultés. Ensuite, on a été moins bons en infériorité numérique que la saison précédente. Mais c’est vrai aussi que notre gardien a été moins efficace que l’année précédente. La satisfaction, c’est que le groupe a bien vécu malgré tout, et la preuve en est que la deuxième partie de la saison a été bonne voire très bonne. Je reste persuadé que cette équipe-là, s’il y avait eu des playoffs, aurait pu créer des surprises. On voit qu’on a battu tout le monde hormis Mulhouse et Grenoble qui nous ont battus 2 fois. Sinon, on a été capables de battre Rouen, de battre Angers, soit les deux premiers, on a été la seule équipe à battre Gap 2 fois et qui finit quatrième. Il y avait un réel potentiel dans cette équipe. Dans un championnat normal, avec de la régularité parce qu’on avait pris des joueurs qui étaient là pour faire des matchs et pas des entraînements, on aurait pu faire quelque chose. Alors évidemment, il y a eu des joueurs qui ont été déçus, qui ont eu du mal avec ça. En toute honnêteté, je pense que leur performance individuelle s’en est ressentie. Mais le groupe a tenu. Quand on a appris que la saison se déroulerait sur 22 matchs et les playoffs, on a eu plus de visibilité par rapport à des périodes de doute et on s’est donné des objectifs et on a pu enchaîner les matchs et remonter au classement. Mais au début Mars quand on a appris qu’il n’y aurait pas de playoffs, c’était le deuxième gros choc après la décision préfectorale de fermer la patinoire. »
Maintenant le travail porte sur la construction de l’équipe de la saison prochaine. Allez-vous apporter des nuances par rapport à ce que vous aviez voulu faire la saison dernière ?
« Comme je l’ai dit, le profil des équipes dépend aussi de l’économie. Aujourd’hui, on ne va pas cacher que le Covid a un impact sur les finances des clubs. On ne pourra donc pas mettre sur le papier le même profil d’équipe parce que budgétairement parlant, on aura moins de moyens. Et il faut en tenir compte, parce qu’il faut pérenniser le club. Il vaut donc mieux baisser la voilure, construire pour qu’à un moment donné, les Boxers atteignent le but de gagner quelque chose. Et ce n’est pas parce qu’on baisse la voilure qu’on manque d’ambition. Il faut se rendre à l’évidence et constater que le modèle économique qu’on a eu précédemment n’est pas adapté à la situation et qu’il construire différemment. On va pousser un peu plus loin le développement de la formation en misant un peu plus sur des joueurs plus jeunes bien encadrés par des joueurs d’expérience, des joueurs exemplaires, des joueurs cadres et qui ont la volonté de transmettre aux jeunes. C’est à nous de faire bien notre travail dans le recrutement en essayant de déceler le potentiel des futurs joueurs. Je vais prendre un exemple de cette saison : on a misé sur Simon Bourque qui, certes, avait un CV extraordinaire mais avait un ras-le-bol du hockey, en tout cas du hockey Nord-Américain, et qui avait la volonté de retrouver goût à sa passion. C’était un pari mais un pari gagnant ! L’idée pour la saison prochaine c’est donc de partir sur un nouveau cycle, avec une équipe qui va se rajeunir et qu’on va modeler au fil du temps. Pour moi, une équipe c’est un mouvement générationnel. Bien sûr tout dépend des objectifs, mais aujourd’hui je pense que Bordeaux doit construire les choses. Quand la direction du club est venue me chercher c’était pour partir sur un nouveau cycle, en construisant les choses tout en gardant de l’ambition, mais tout se fait avec le temps et en mettant les choses dans le bon ordre. Il n’y a pas à dénigrer ce qui a été fait avant, mais aujourd’hui on est sur une autre philosophie. Et la saison prochaine on va être sur la phase 1. Il y a aujourd’hui des préoccupations économiques liées à la crise sanitaire, et il faut se rendre compte que le plus important c’est la pérennité du club et il faut être réaliste. La formation est importante, surtout dans un sport mineur dont l’économie est fragile. La formation c’est la base, c’est l’école de hockey et on monte petit à petit, et chaque année on doit pouvoir intégrer le fruit de cette formation. A court terme, on aura peut-être moins d’ambition que la saison dernière où on visait un top 4. On va essayer de viser les playoffs, en construisant quelque chose de solide, en s’appuyant sur une base plus jeune pour l’amener dans les 2-3 années à venir à gagner quelque chose. Les choses se construisent en interne. On a amélioré les conditions d’entraînement des joueurs, que ce soit pour le physique ou sur la glace, le staff grandit, la passerelle entre la formation et les pros est mise en place avec Julien Desrosiers. Je comprends l’attente des supporters qui veulent un titre. C’est aussi notre objectif. Mais pour atteindre ça, il faut construire. Certains l’ont fait avec de l’argent, certains se sont acheté des titres sauf qu’aujourd’hui, ces clubs-là n’existent plus ou en tout cas pas à un haut niveau. Pour nous, le projet qui s’inscrit avec le staff qui est en place puisque moi j’ai resigné 2 ans. On va se servir des 2 années précédentes, et on va adapter tout ça pour atteindre l’objectif sportif qui va être donné.
Cela signifie-t-il que l’effectif va être renouvelé autant qu’il l’avait été la saison dernière ?
« Je pense qu’on va avoir un grand turn-over. Déjà on va avoir 5 jeunes dans l’effectif. On veut construire une équipe plus jeune, et pour cela il faut une assise défensive costaud. Si sur le plan défensif depuis 2 ans ça ne va pas, on peut se dire il faut tout changer, il faut changer les hommes. Mais ce n’est pas une question que d’arrières, de gardiens, c’est une mentalité. C’est prendre conscience que quand un attaquant perd un palet en phase offensive, ça se répercute sur la défense et qu’il faut s’impliquer dans le repli défensif. Mais derrière ça, on a aussi besoin de joueurs qui apportent un plus offensivement. C’est un mix à trouver. C’est aujourd’hui notre base de réflexion. L’équilibre d’une équipe c’est le collectif. Il faut qu’on trouve des joueurs responsables, intelligents et qui ont une bonne lecture du jeu. C’est important d’avoir un socle, un noyau dur qui véhicule les valeurs. Aujourd’hui, pour nous, ce sont des coups de fil en permanence, pour connaître l’état d’esprit d’un joueur, pour faire le bon choix. Du choix, il y en a mais il faut trouver la bonne personne qui rentre dans la bonne case. Dans la construction d’une équipe, il faut tenir compte de beaucoup de paramètres. Par exemple, la saison dernière on avait le meilleur power-play de la ligue, et on essaye de le garder, car à 5 contre 5 les équipes se neutralisent de plus en plus, et ce qui fait la différence ce sont les unités spéciales. Mais quand on a une vision d’équipe, elle évolue presque au quotidien suivant les possibilités. Notre priorité aujourd’hui c’est de construire notre base de JFL (joueurs formés localement). Puis assurer nos gardiens de but et ensuite on aura nos imports. J’ai hâte de repartir sur la saison prochaine avec ce nouvel objectif et de prouver qu’avec une équipe plus jeune et bien encadrée on peut être performant. »
Recueilli par Claude Canellas