Max Moisand : « J’ai été privilégié ! »

Le défenseur international des Boxers, Maxime Moisand, a décidé de mettre un terme à sa déjà longue carrière dans le hockey. Après 6 saisons à Bordeaux, il va maintenant préparer sa reconversion dans le secteur de l’audit financier. A Bordeaux, une ville dont il dit qu’elle est devenue sa maison et celle de sa famille. Entretien avec le désormais ancien n°90.

Tu as annoncé la fin de ta carrière à l’occasion du dernier match de la saison mardi soir à Mériadeck. Pourquoi cette décision ?

Maxime Moisand : « Je savais que la fin pouvait arriver à tout moment avec Bordeaux. Quand j’ai posé la question au club sur mon avenir, Stéphan Tartari m’a indiqué qu’il ne me gardait pas la saison prochaine. J’arrive à un âge (31 ans) où j’ai d’autres aspirations, d’autres envies, et même si je voulais encore continuer un an ou deux à Bordeaux, je ne me voyais pas partir ailleurs. Ma famille est bien installée ici, nous y sommes très heureux, ma femme travaille, mon fils va à l’école… J’ai une opportunité de reconversion aussi qui est très importante pour nous. Cela faisait un an ou deux que je me disais que le jour où ça se terminerait avec les Boxers, j’arrêterai le hockey. Le hockey a été ma priorité dans la vie pendant des années, pendant quasiment 15 ans. Mais il arrive un moment où on fait d’autres choix. C’est donc ce que j’ai fait et je ne le regrette pas du tout. Je suis plutôt content d’arrêter ma carrière dans un état physique correct, en ayant toutes mes dents. J’ai quelques marques en souvenir sur le visage mais c’est la marque de fabrique du hockey. »

 

Parlons de ta longue carrière. Quels souvenirs, bons et moins bons, garderas-tu ?

« J’ai beaucoup de très bons souvenirs. Mes débuts à Grenoble, j’en ai des souvenirs extraordinaires. Quand on a 18 ans et qu’on débarque dans un groupe aussi riche de personnes incroyables, qu’on est intégré de manière magnifique, qu’on gagne tous les titres même si nous les jeunes nous ne participons pas beaucoup parce que nous avions très peu de temps de jeu. C’est une expérience incroyable avec des Baptiste Amar, Eddy Ferhi, Christophe Tartari, Antonin Manavian… Des mecs super sympas, des coachs dont je me souviendrai longtemps, Mats Lusth et Patrick Rolland. Parmi d’autres souvenirs incroyables, il y a ce titre en Italie qui venait après une saison particulière pour moi, un peu difficile parce que ça ne s’était pas très bien passé à l’intersaison et je m’étais retrouvé au Kazakhstan parce qu’il n’y avait plus rien en France et au final, je rebondis, je vais à Renon en Italie, nous gagnons le championnat. C’était un titre auquel j’avais beaucoup participé. J’étais un des principaux acteurs dans cette équipe. J’avais pris énormément de plaisir à rebondir là-bas. L’expérience que j’ai vécue avec Epinal était extraordinaire. C’était un peu la même chose que j’avais vécu un peu plus tôt au Danemark, c’est que j’arrivais dans des projets qui n’avait pas forcément d’ambitions. Au Danemark j’étais dans une équipe à Odense qui avait terminé dernière les deux années précédentes, et nous avions fini la première année en finale et nous perdons au match 7 après avoir mené 3-1 dans la série. C’est exactement le même schéma qui était arrivé à Epinal. Quand j’y suis arrivé, cette équipe n’avait pas fait de performances incroyables précédemment, mis à part une demi-finale 1 an ou 2 avant que j’arrive. Nous finissons 8èmes du championnat après une saison pas extraordinaire et nous nous retrouvons en finale avec des playoffs mémorables. Epinal, ce sont des souvenirs incroyables, mais qui restent douloureux parce que nous perdons au match 7 comme au Danemark, après avoir mené 3-1 également et que nous étions à une marche de marquer l’histoire d’un club et d’une ville. Nous avons touché le rêve de ramener ce premier trophée dans cette ville qui n’en avait pas encore connu ! Et puis il y a les Boxers. Je me souviens quand je suis arrivé que nous avions fait une demi-finale contre Grenoble qui se termine au match 7, où nous allons en prolongation au match 6 à la maison et avec Peter Valier qui frappe le poteau alors qu’un but aurait pu nous envoyer en finale. Des souvenirs, je pourrais y passer des heures à les raconter. »

Et il y a aussi l’équipe de France…

« L’équipe de France a été pour moi la plus belle expérience. Je ne pensais pas quand j’ai commencé le hockey que j’y jouerai. J’avais joué en équipe de France jeune, mais il y a une marche tellement énorme entre les deux que je ne pensais pas que c’était pour moi. En fait, très rapidement, j’ai eu la chance d’être sélectionné. A 21 ans, j’ai fait mon premier championnat du monde. J’étais arrivé dans un groupe qui était magnifique. J’ai commencé le hockey grâce à Laurent Meunier et son cousin Fabrice Gornisecz. C’est eux qui m’ont donné mes premières crosses. Et je me retrouve 15 ans plus tard en équipe de France avec Laurent Meunier comme capitaine ! Il y avait Cristobal Huet, Baptiste Amar, Yorick Treille, Fabrice Lhenry, tous ces noms qui ont bercé mon enfance et que je regardais à la télé, aux JO de Salt Lake City. Tout ça était un rêve pour moi. Je me souviens notamment de la victoire contre la Russie qui avait été quelque chose de dingue. J’ai été privilégié, j’ai eu énormément de chance.

 

Avec le recul, quels sont les personnes qui sont des phares, des repères dans ta carrière ?

« Il y en a énormément. Le premier qui me vient en tête c’est Baptiste Amar, parce que je suis arrivé lui était un fidèle de l’équipe de France et de Grenoble. J’ai joué avec lui à 18 ans. J’ai beaucoup admiré cette génération d’anciens grenoblois qui au-delà d’être de très bons joueurs de hockey, sont de belles personnes, qui ont du plomb dans la tête, qui sont intelligentes et qui m’ont appris à grandir, à mûrir. Je les remercie infiniment. Ils m’ont aussi donné les clés pour préparer la suite de ma carrière, faire des études à côté, être sérieux et bien construire ma carrière. Ils m’ont montré la voie. Ce sont des personnes qui avaient en moyenne 10 ans de plus que moi mais avec qui j’ai vécu des moments privilégiés et qui m’ont apporté énormément dans ma vie. Ce sont des modèles. J’ai essayé de piocher en chacun d’eux quelque chose d’intéressant et il y avait beaucoup de choses à piocher. J’ai dit aux jeunes dans le vestiaire après le dernier match, de se nourrir de toutes les relations parce que c’est elles qui feront ce que vous serez dans 10 ou 20 ans. Le hockey, c’est bien, c’est superbe, mais servez-vous de tous les gens qui vous entourent, parce qu’ils vont vous aider pour le reste de votre vie. »

Tu sors d’une dernière saison difficile avec les Boxers qui s’est néanmoins terminée en playoffs. Vous avez atteint l’objectif dans des conditions exceptionnelles. Était-ce ta saison la plus compliquée que tu aies pu vivre ?

« Ah oui et de loin, parce que j’ai eu la chance d’être dans des équipes qui avaient un projet plutôt ambitieux. On nous projetait derniers. L’objectif que nous avions était de se qualifier pour les playoffs, mais nous avons subi des blessures parmi des joueurs majeurs pendant quasiment toute l’année. Forcément ça a été la saison la plus dure. Ça ne m’était jamais arrivé d’aller jouer à Grenoble ou à Angers avec 10 juniors et se dire que nous allions faire ce que nous pouvions et essayer de ne pas prendre une valise. Cela fut dur d’un point de vue hockey, mais malgré la difficulté, nous sommes toujours bien entendus, nous nous sommes toujours marrés. J’ai pris beaucoup de plaisir à passer du temps dans le vestiaire avec tous les mecs. C’était une saison joyeuse et très heureuse. »

 

Tu as passé 6 ans avec les Boxers de Bordeaux, tu as joué 6 ans à Mériadeck. Tu as croisé des gens, tu as fréquenté un public durant 6 ans. Que retiendras-tu de tout ça ?

« J’ai fait énormément de belles rencontres, de gens qui, directement ou indirectement, ont été impliqués avec le club et ça fait partie des choses qui font qu’on a envie de rester dans la région. Quand des gens s’impliquent comme certains le font, on ne peut qu’être reconnaissant. De notre côté, c’est notre métier, mais quand les gens le font de manière passionnée et gratuite, on ne peut qu’être admiratif. J’ai adoré le public, j’ai adoré l’ambiance. On sait que le public bordelais, il faut aller le chercher. On a vu parfois Mériadeck en fusion. Je me souviens d’un match contre Angers où nous revenons à la dernière minute sur un but de Julien Desrosiers et nous gagnons en prolongation. J’ai des contacts avec des supporters, j’ai eu des cadeaux quand mon fils est arrivé. Il y a eu des gestes qui m’ont énormément touché. C’est un club qui m’a marqué à tout point de vue. »

Et tu as décidé de rester à Bordeaux et tu y prépares ta reconversion…

« En fait, j‘aime bien aller à Grenoble pour voir ma famille mais maintenant, pour moi, Bordeaux c’est ma maison ! C’est là que mon fils est né, c’est là que nous avons construit notre vie de famille, et nous nous sentons bien ici. J’adore cet endroit. C’est pour cela que j’ai décidé d’arrêter le hockey parce que je ne voulais pas faire une croix sur cette vie personnelle que j’adore. Pour ma reconversion, je suis en contact avec une entreprise qui s’appelle EY (Ernst&Young), un cabinet d’audit, d’expertise comptable, et de conseil. Je vais faire un stage d’abord au mois d’avril, et si ça se passe bien j’espère rentrer chez eux à la rentrée. C’est une belle opportunité de travail. Je vais tout faire pour concrétiser ça. C’est une très belle entreprise internationale, avec des perspectives d’évolution de carrière très intéressantes. »

 

Vas-tu couper totalement avec l’aspect sportif du hockey ? N’es-tu pas tenté d’entraîner des jeunes ?

« Tout cela dépendra de ma carrière. Je pense que je vais couper avec le hockey. J’ai envie de faire des sports un peu plus ludiques que je n’ai jamais fait, de découvrir de nouvelles disciplines. Pour le hockey, j’aimerais bien m’impliquer un peu auprès des jeunes mais le seul problème ça va être le temps. Je verrai aussi si mon fils veut faire du hockey. Mais non, il n’y a pas de plan dédié au hockey pour l’instant. Je vais d’abord me concentrer sur ma reconversion. »

Est-ce qu’on te verra cependant à Mériadeck lors des matchs des Boxers ?

« Oui, bien sûr. J’ai envie de venir voir les copains de temps en temps, d’amener ma famille voir les matchs. Mon fils adore ça. J’ai bien envie qu’il continue à aller en voir. Si ça pouvait déclencher une vocation, ça ne me dérangerait pas non plus. La différence avec avant, c’est que je vais pouvoir boire des verres de vin en regardant mes copains se faire défoncer la figure sur la glace. On va dire que je serai du côté le plus facile. »

Recueilli par Claude Canellas