Le destin tout tracé de Félix-Antoine Poulin
Félix-Antoine Poulin, défenseur des Boxers de Bordeaux arrivé cet été en Gironde, ne rêvait que de hockey. Mais ses parents ont inculqué à leur fils unique une règle d’or, celle de ne pas tout sacrifier à une carrière sportive, et l’ont poussé avec succès à mener des études. Une réussite sur les deux tableaux.
« Je crois que j’avais peut-être 3 ans quand j’ai commencé à patiner. Je me souviens que chez moi, dans le sous-sol, il y avait du tapis au sol. Mes parents m’avaient acheté mes premiers patins. Mon père avait mis une protection sur les lames pour ne pas couper le tapis. Je marchais avec mes patins et je lançais sur un mur sur lequel on avait dessiné un but. A force, le mur était complètement défoncé« . Ce témoignage de Félix-Antoine Poulin en dit long sur une passion pour le hockey qui l’a saisi dès son plus jeune âge. Cette maison familiale située à Sainte-Julie, sur la rive Sud de Montréal où il est né, était un peu la maison du bonheur de Félix-Antoine. Enfant unique, il a reçu tout l’amour qu’un fils puisse souhaiter de la part de ses parents, aujourd’hui à la retraite, et qui ont fait carrière dans la même grande compagnie d’électricité, Hydro-Québec. Sa maman travaillait dans les ressources humaines. Son papa était directeur. Aujourd’hui, celui-ci peut profiter de sa Harley-Davidson, une passion pour la moto qu’il n’a pas transmise à son fils.
Outre le hockey, Félix-Antoine a cependant développé un goût certain pour le golf. Il a même fait partie durant 2 ans d’une équipe universitaire. Aussi, dès qu’il le peut, il continue à s’adonner à ce sport. « C’est peut-être un stéréotype, mais c’est vrai que les hockeyeurs font du hockey l’hiver et jouent au golf l’été. Le golf me permet aussi de passer beaucoup de temps avec mon père qui joue aussi« , souligne l’ancien joueur de Manchester. Reste que sa route dans le hockey était tracée. « Le hockey c’est dans la culture des Québécois. Et puis mon père y jouait, et mon oncle a joué en Suisse durant 20 ans« , souligne le défenseur. « Le hockey quand j’étais jeune était la seule chose à laquelle je pensais, que je voulais faire. Chaque fois que j’avais du temps de libre, je jouais dehors. S’il pleuvait c’était du mini-hockey avec une balle. Mes jeux vidéo, c’était aussi du hockey. A Montréal, avec mon père on suivait les Canadiens. Après l’école, je faisais mes devoirs et ensuite j’allais sur une patinoire en plein air. Il y avait aussi un lac où tout le monde pouvait patiner. Maintenant, quand j’y repense, c’était vraiment de belles années. Il faut dire qu’on est gâtés au Québec d’avoir ces températures-là« .
Enfant sage et bien élevé, Félix-Antoine a été tenu à laisser une place pour les études. Calme sur les bancs de l’école, il savait que s’il posait le moindre problème de comportement « ça n’allait pas trop bien se passer à la maison avec mes parents« . « Etudier est une valeur que mes parents m’ont inculquée. Ils m’ont vraiment beaucoup aidé pour le hockey, mais ils m’ont aussi très vite fait comprendre qu’une carrière de hockeyeur peut très vite s’arrêter« . Il a donc, en parallèle de son sport, tout fait pour avoir une porte de sortie. De toutes ces années, il retient que ses parents ont fait beaucoup de sacrifices pour lui. « Je suis très privilégié. Ils m’ont donné beaucoup d’opportunités et avec les années qui passent je me rends compte de tout ce qu’ils ont fait pour moi« , reconnaît le n°44 des Boxers de Bordeaux.
Ses études vont souvent épouser son parcours de hockeyeur, en juste noce tant ces deux chemins vont emprunter des voies d’excellence. C’est ainsi que dès l’âge de 15 ans Félix-Antoine entre en Ligue Midget AAA de Québec (U18) sous le maillot des Gaulois du Collège Antoine-Girouard avant d’être repêché par le Drakkar de Baie-Comeau inscrit dans la Ligue de Hockey Junior Majeur de Québec (LHJMQ). Très rapidement il endosse pour 3 saisons le maillot du Collège Français de Longueuil où il se fait remarquer au point d’être élu meilleur défenseur de la Ligue de hockey junior AAA du Québec (LHJAAAQ). « A 20 ans, j’ai décidé d’aller jouer en Alberta pour apprendre l’anglais car je voulais entrer dans une université anglaise. Et à 21 ans, je suis entré à l’Université Saint-Thomas sur la côte est du Canada où je suis resté 4 ans. Et j’ai intégré un Bachelor en économie« , raconte le Québécois.
C’est une opportunité professionnelle qui va le conduire en Alaska (ECHL) pour une saison et demie avant de quitter le continent Nord-Américain pour l’Europe. « J’ai fait le saut pour jouer dans la Ligue du Royaume-Uni« , dit-il aujourd’hui. Il y portera le maillot des Stars de Dundee (Ecosse). C’est de cette saison qu’il gardera l’un de ses meilleurs souvenirs de hockeyeur. « On avait un groupe de joueurs qui avaient une chimie vraiment formidable. Personne ne nous voyait gagner, mais on gagnait sans cesse et on a réussi à jouer les playoffs pour la première fois dans l’histoire de ce club. J’ai gardé des liens très forts avec les joueurs de cette année-là« , avoue-t-il. Il s’envolera ensuite vers l’Australie et les Newcastle Northstars la saison terminée, puis passera par la Slovaquie pour une demi-année à Zilina et reviendra sur les terres britanniques chez le Clan de Braehead. A chaque fois, il affole les compteurs en se montrant excellent défenseur et très productif sur le plan offensif, ce qui lui vaut d’être appelé l’an passé chez les Monarchs de Manchester.
Devenu un véritable globe-trotteur du hockey, il a aussi développé un goût certain pour les voyages. « Quand j’avais 22 ans, j’ai fait mon premier gros voyage en Amérique du Sud. On a visité le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et l’Argentine et là j’ai vraiment été piqué aux voyages. J’aime vraiment découvrir d’autres choses, me sentir un peu inconfortable. Après je suis parti un peu à l’aventure avec un sac à dos. J’ai fait du stop, j’ai pris des vieux bus scolaires, c’était l’aventure« , reconnaît le joueur bordelais.
Entre hockey, golf, études et voyages Félix-Antoine a trouvé une place pour une autre passion : la musique. Comment pouvait-il en être autrement quand il entendait régulièrement grâce à son père Pink Floyd ou Led Zeppelin. « Et puis vers 13-14 ans, j’ai entendu Daft Punk et j’ai développé une grande passion pour la musique électronique. Au collège, à l’université, j’ai commencé à mixer un peu partout. Durant l’été c’était devenu mon travail de mixer le soir. Il m’arrive toujours de mixer« , ce qui lui vaut un de ses surnoms : DJ.
Reste qu’il a poussé ses études jusqu’au bout de ce qu’il était possible de faire et qui soit compatible avec une carrière de sportif professionnel. « L’an passé, quand j’étais à Manchester, j’ai fait un MBA (Master of Business Administration). J’ai présenté récemment ma thèse qui portait sur la culture organisationnelle dans les universités, et j’attends le résultat vers le mois de Novembre. L’an dernier, après la fin de la saison, on a fait un voyage à Bahreïn au Moyen-Orient avec tous les gens de l’école pour y observer la culture organisationnelle, voir comment tout se passait dans un environnement totalement différent. C’était une expérience hallucinante. Tout cela demande beaucoup de travail, de patience et de temps, mais c’est très important. Je ne suis pas trop vieux, j’ai 29 ans, mais je sais qu’il ne me reste pas trop d’années devant moi avant de penser à l’après-carrière« , reconnaît Félix-Antoine.
Après ces années britanniques, Félix-Antoine Poulin a traversé la Manche, direction la France. En 2016, il aurait pu déjà jouer en Ligue Magnus, ayant signé avec Brest mais l’équipe Bretonne était descendue en division inférieure, mettant fin à l’expérience avant même qu’elle n’ait pu commencer. « Après mon année à Manchester j’ai parlé avec ma fiancée pour savoir ce qui serait la meilleure option et l’offre de Bordeaux est arrivée. Je me suis informé auprès d’anciens joueurs des Boxers ou d’autres évoluant en Synerglace Ligue Magnus. L’offre était bonne, Stephan Tartari a été très professionnel, et je ne mentirai pas en disant que la ville a beaucoup compté aussi. Je connaissais Bordeaux de réputation mais je n’étais jamais venu. La ville me plaît, mais il y a aussi le professionnalisme de l’organisation. Ce n’est pas toujours évident de partir de chez soi et d’arriver dans une organisation où on ne sait pas trop où on va, s’il n’y aura pas de problèmes. Mais depuis que je suis ici, tout est très bien, c’est à la hauteur de la réputation« , dit le Québécois, assurément satisfait de son choix.
Sa fiancée, Mie, Américaine native de Seattle, l’a rejoint récemment. Pour elle, c’est une première en milieu francophone mais c’est un choix assumé alors qu’elle a pour but d’apprendre le français. Son visa ne lui permet pas de travailler mais elle fait du marketing à distance pour une compagnie photographique de sa ville natale. Tous deux semblent en tout cas satisfaits d’être à Bordeaux. « On est très choyés, très chanceux. Ici les gens sont très sympas, la nourriture est tellement bonne, la ville est très sympa. Il y a aussi le bassin d’Arcachon où je suis allé avec le groupe lors du camp d’été. Je me suis également rendu à Biscarrosse avec d’autres québécois. Et je compte aller un peu explorer la région durant les trêves. Tout le monde me dit qu’il faut absolument aller voir Saint-Emilion. Ça tombe bien parce que je m’intéresse un peu au vin. En venant ici, je me suis donné le devoir d’apprendre à bien le connaître« , dit Félix-Antoine avec gourmandise.
Le n°44 des Boxers de Bordeaux se dit heureux de jouer à Mériadeck, selon lui une belle patinoire où « l’ambiance est vraiment bonne« . Il note que la seule différence avec ce qu’il a connu auparavant « c’est qu’ici il fait vraiment chaud. C’est dur de s’adapter parce que je suis habitué à jouer dans des endroits où il fait froid« . Déjà bien intégré, il croit aux capacités de bien faire de son équipe. « Je crois que notre potentiel est vraiment bon. Mais je pense aussi que pour réussir il faut qu’on reste en santé. Chaque match est important et on a besoin de tous les joueurs. Je crois qu’on est une équipe talentueuse, mais il faut qu’on porte toute notre attention sur les petits détails. L’objectif est certes de se qualifier pour les playoffs, mais je pense qu’il est difficile de se projeter comme ça à long terme. L’objectif c’est le prochain match. C’est comme ça qu’on veut aussi aborder chaque match. On ne veut pas penser au score final« , précise Félix-Antoine Poulin.
Claude Canellas